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Des déportés et des résistants
Plusieurs étudiants de la faculté de droit, d’opinions politiques très diverses, participent à la manifestation patriotique du 11 novembre 1940, un des premiers actes de résistance face à l’occupant. Malgré les mises en garde répétées des autorités universitaires, des étudiants bravent les interdits en distribuant des tracts à l’intérieur de la faculté, notamment contre le Service du travail obligatoire en 1943. Quelques-uns rejoignent les mouvements de résistance et sacrifient leur vie au combat contre l’occupant. Des enseignants de la faculté de droit participent également à la Résistance, en prenant le risque d’être reconnus et arrêtés.
Sommaire
Résistance étudiante
Au sein de la faculté : gestes de résistance
Malgré la surveillance stricte dont elle fait l’objet, la faculté de droit s’affirme comme un foyer de gestes de résistance étudiante, notamment à partir de la mise en place du Service du travail obligatoire (STO). Prenant diverses formes, ils peuvent parfois paraître limités, mais les réactions des autorités françaises et allemandes soulignent bien leur importance. C’est sur ces manifestations diverses que revient cette sous-galerie.

Ce tract constitue la première trace documentée de résistance étudiante conservée dans les collections de la bibliothèque Cujas. Diffusé dans le contexte de la mise en place du Service du travail obligatoire (STO), il reflète une réaction critique face à cette mesure adoptée par le régime de Vichy sous pression allemande.


Lors d’un cours de droit romain donné par Raymond Monier, une minute de silence est observée à la demande d’étudiants, en hommage aux morts de la guerre. Présent dans l’amphithéâtre, un policier signale l’incident dans un rapport, mentionnant une perturbation du cours. Dans cette lettre adressée au recteur Gidel, le doyen Ripert minimise l’incident, affirmant que Monier n’a accordé que quelques secondes de silence sans interrompre son enseignement, et critique le policier pour son interprétation erronée, qu’il attribue à une méconnaissance des usages universitaires.


Lors du début d’un cours à la faculté de droit, des étudiants interpellent publiquement le professeur Barthélémy, l’accusant d’être « hitlérien, assassin, marchand d’otages ». L’action se poursuit de manière spectaculaire : le professeur est enveloppé dans un grand drapeau orné d’une croix gammée. Ce tract, signé par plusieurs mouvements d’étudiants résistants, témoigne d’une forme de contestation plus directe et visible, dépassant la simple distribution de tracts, et marquant une volonté d’affrontement ouvert avec certaines figures engagées aux côtés du régime de Vichy.

Cette note administrative recense plusieurs manifestations organisées au sein de la faculté de droit : distribution de tracts dans l’amphithéâtre II, discours d’un groupe de jeunes filles appelant à la résistance, protestations étudiantes contre le gouvernement de Vichy et les autorités d’occupation. Il y est explicitement reproché au doyen de n’être pas intervenu. Cette accusation accroît la pression exercée sur lui pour qu’il réagisse face à ces actes, alors même que son attitude tend à minimiser leur portée dans un contexte de surveillance accrue de l’université.

Poussé à réagir aux actes de manifestation évoqués dans le document précédent, le doyen Ripert publie le même jour cet avis à l’attention des étudiants de première année de licence. Il y interdit toute perturbation de cours ou comportement pouvant être assimilé à un désordre, et rappelle que de tels agissements peuvent entraîner des sanctions disciplinaires, voire des mesures plus sévères.

Document numérisé consultable ici.
Dans cette lettre, le Doyen Ripert informe le Recteur d’un incident survenu à la faculté de droit : un groupe d’individus est entré dans une salle où des agents administratifs préparaient les fiches de recensement pour le STO. Ils auraient tenté d’intimider les agents et se sont emparés de plusieurs centaines de fiches. Le Doyen transmet les éléments dont il dispose et propose des mesures afin d’éviter la répétition de tels actes. Cet épisode témoigne d’une forme de résistance plus marquée, avec un comportement agressif au sein même de la faculté.
Prendre les armes
Les étudiants et étudiantes et anciens étudiants et anciennes étudiantes de la faculté de droit de Paris ayant pris part à la résistance sont nombreux. Cependant, seule une infime minorité d’entre eux nous est connue : ceux dont le destin tragique a été communiqué à la faculté par les familles. Ainsi, en esquissant ici le portrait d’une poignée d’entre-eux, cette sous-galerie vise à rendre hommage à l’ensemble des résistants.
Ce décret, signé du général De Gaulle, revient sur le parcours de Fred Scamaroni. Ce dernier s’engage dans la Résistance dès la défaite française, en juin 1940. Fait prisonnier une première fois à Dakar, avant d’être libéré et de poursuivre son engagement, il est finalement repris en 1943 alors qu’il participe à une mission en Corse. Torturé de longues heures, il garde le silence avant de se suicider. Ce document atteste surtout de la précocité de l’attention portée à la reconnaissance des actes de résistance. Fred Scamaroni s’y voit en effet attribuer la Croix de la Résistance à titre posthume dès octobre 1943.

Il s’agit ici du faire-part de décès de Jean Fallay, membre des Forces françaises de l’intérieur (FFI) abattu le 10 août 1944 par un officier allemand. On peut voir que sa famille a tenu à rappeler son lien avec la faculté en mentionnant sur ce document sa qualité d’étudiant en droit.

Autre résistant passé par la faculté de droit de Paris, Bernard Triboulet fait également partie des Forces françaises de l’intérieur (FFI). La mise en place du Service du travail obligatoire le pousse à s’engager. C’est après avoir participé à une opération permettant la destruction du fichier STO de Versailles qu’il est arrêté par la Gestapo puis déporté.

A la fin de la guerre, les familles des résistants morts pour la France tentent de faire reconnaître les actions de leurs proches auprès des autorités. En témoigne ici l’exemple de la reconnaissance posthume de l’engagement de Bernard Triboulet. Ces actions à visée mémorielle peuvent également permettre aux veuves et à leurs enfants de percevoir une pension par l’assimilation des actions de résistance à un engagement dans l’armée.

Guy Flavien est étudiant de l’Ecole centrale et de la faculté de droit lorsqu’il s’engage dans la résistance. Il participe d’abord à la diffusion de tracts clandestins, puis parvient à échapper au STO en obtenant un certificat de complaisance. Affecté à l’Office régional du travail, il débute alors la distribution de faux documents à des milliers de jeunes afin de leur permettre, eux aussi, d’échapper aux réquisitions des Allemands. Dénoncé par un article publié dans le journal collaborationniste Le Pilori, il est arrêté le 5 août 1944 soit seulement quelques jours avant la libération de Paris, puis déporté au camp de Buchenwald.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les résistants engagés au sein des Forces françaises libres participent à des missions sous des commandements conjoints ou à des missions communes entre forces alliées. Il en va ainsi de Pierre Binet qui rejoint les Forces françaises libres au Maroc à l’été 1943. Il est l’un des responsables de la mission Pathfinder, qui vise à préparer le débarquement de Normandie. C’est dans ce cadre qu’il est parachuté en France en février 1944. Après avoir mené à bien sa mission, il participe activement aux combats contre l’ennemi en rejoignant le maquis de Merry-Vaux en août 1944. Il est arrêté peu après par les Allemands et fusillé. Le fait que l’armée américaine le décore de la Distinguished Service Cross à titre posthume dans ce présent document témoigne du fait que la reconnaissance des actes de résistance est aussi internationale.

Ce rapport établi après-guerre permet d’appréhender la création d’un maquis et son organisation. Il s’agit ici du maquis de Scevolles, fondé par René Mabileau, étudiant de la faculté de droit, ainsi que quelques-uns de ses camarades. Fondé en 1944, le maquis compte rapidement plus d’une centaine de membres, réunis au sein de la forêt de Scevolles – ils participent à plusieurs opérations de sabotage afin d’éviter l’arrivée de renforts ennemis en Bretagne. René Mabileau est tué le 15 août 1944, visé par erreur par un tir d’un avion de chasse allié au cours d’une mission de ravitaillement.




De nombreuses femmes furent résistantes ; cette fiche revient ainsi sur le parcours de Simone Huard. Avocate à la Cour d’appel de Paris et ancienne étudiante de la faculté de droit, elle rejoint la résistance dès 1942. Elle opère en tant qu’agent de liaison et de renseignements et dirige un maquis en Normandie. Alors même que la répression s’intensifie, Simone Huard poursuit son activité. Elle est finalement arrêtée par la Gestapo le 15 juin 1944 et déportée à Ravensbruck le 15 août. Tout le long de sa détention, elle fait preuve d’une solidarité sans faille envers ses camarades d’infortune. Alors que le camp a été libéré par l’armée russe, elle décède d’épuisement durant le voyage de retour le 14 mars 1945.

Robert Jude est lui aussi un résistant passé par la faculté de droit de Paris. Il rejoint les Forces françaises combattantes dès la débâcle militaire française et la signature de l’Armistice, en 1940. Traqué de longs mois par la gestapo, il est finalement arrêté en Bretagne en 1944 et déporté au camp de concentration de Mauthausen. Dans cette lettre, sa mère s’adresse au doyen de la faculté de droit de Paris. Elle demande à ce que le nom de son fils soit inscrit parmi les étudiants morts pour la France. Fait notable, elle s’attriste du peu de reconnaissance qui serait accordée aux résistants : « la liste déjà longue de vos jeunes morts pour la bonne cause, dont il semble que, déjà, certains aient estompé la mémoire… ».


En juin 1944, un groupe de près d’une centaine d’étudiants et de lycéens, parmi lesquels on retrouve nombre d’étudiants de la faculté de droit, prennent la route vers le Sud pour rejoindre un maquis en Sologne, dans lequel il est prévu que des armes leur soient parachutées. Ils sont dénoncés alors mêmes qu’ils n’ont pas tous eu le temps de s’armer, et un détachement allemand arrête le groupe le 10 juin 1944. Le jour même, 41 d’entre-eux sont fusillés dans les bois. Presque tous les autres sont arrêtés dans les jours qui suivent, et pour certains envoyés en déportation. C’est le cas de Jacques-André Brack, mentionné dans la galerie Des déportés .

Jean-Charles Martin fait partie des fusillés du 10 juin 1944. Par cette lettre, son père demande à ce que son engagement pour la France soit reconnu par la faculté de droit de Paris.
Résistance des professeurs
Des voix légèrement discordantes

L’armistice signée et les pleins pouvoirs votés à Pétain, les oppositions au régime de Vichy sont rapidement muselées. La faculté n’échappe pas à cette surveillance. Dans ce contexte, même les professeurs de droit les plus farouchement opposés à Vichy restent sur leur garde dans l’exercice de leur profession. C’est le cas de Léon Mazeaud, dont le parcours de résistant est évoqué dans la galerie suivante, qui se livrant au rapport sur les concours de licence de l’année 1940-1941, adresse une critique discrète et implicite au gouvernement français. Nous ne sommes alors qu’au commencement de la guerre.


![Source Archives nationales, AJ/16/1786<br/>Document numérisé <a href="https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/discours-le-balle/" target="_blank">consultable ici</a>.
<br><br><strong>La critique se veut plus acerbe chez Robert Le Balle, qui désapprouve plus directement la débâcle militaire française et les évènements qui s’en suivent : <em>« La France […] mesurait brusquement le péril des facilités où de mauvais bergers l’avaient laissée se complaire »</em>.</strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/Discours-Le-Balle_Rapport-prix-de-theses_1940-1941_AJ-16-1786/943935534.jpg)
Document numérisé consultable ici.
La critique se veut plus acerbe chez Robert Le Balle, qui désapprouve plus directement la débâcle militaire française et les évènements qui s’en suivent : « La France […] mesurait brusquement le péril des facilités où de mauvais bergers l’avaient laissée se complaire ».

De façon plus publique, à l’occasion de l’un de ses cours, Marcel Waline procède à une critique directe de la législation antisémite du régime de Vichy. Il fustige des lois « inspirées par la doctrine raciste et à l’imitation de la législation allemande ». Il est l’un des seuls professeurs à prendre ouvertement la parole pour exprimer son opposition.
L’engagement dans les réseaux
Comme dans le cas des étudiants résistants de la faculté de droit de Paris, il est difficile d’obtenir des preuves matérielles témoignant de l’engagement des professeurs de la faculté dans la Résistance. Il en va ainsi de Léon Julliot de la Morandière, dont il est unanimement admis qu’il a participé à des actions de résistance, mais sans que nous ayons pu trouver d’archives à présenter dans cette exposition. Quelques traces subsistent néanmoins pour d’autres professeurs. C’est sur leur parcours que cette galerie a vocation à revenir.
Le parcours dans la résistance du professeur Le Balle n’est pas pleinement connu. On retrouve toutefois son nom dans cette liste de l’armée américaine qui recense le nom des français qui lui sont venus en aide. Un certificat de mérite signé de la main du Président Eisenhower, non-reproduit, atteste par ailleurs qu’il a apporté son secours à des aviateurs américains.

Le rôle qu’a joué Gabriel Le Bras dans la résistance est non moins opaque. S’il a bien fait partie de la résistance universitaire, il n’a jamais tenu à évoquer les différentes missions qu’il a pu effectuer. Il est toutefois l’un des deux seuls professeurs de la faculté de droit de Paris à recevoir la médaille de la Résistance – fait dont il est informé par le doyen dans ce présent document – ce qui s’expliquerait, selon de récents travaux d’historiens, par le fait que Gabriel Le Bras y ait vraisemblablement joué un rôle d’importance.
![Source Archives nationales, F17/27/357<br/>Document numérisé <a href="https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/lettre-de-gabriel-le-bras/" target="_blank">consultable ici</a>.
<br><br><strong>Dans cet échange avec l’administration, Gabriel Le Bras fait, au détour de quelques lignes, allusion à son passé de résistant : <em>« les Allemands m’ont assez occupé pendant 4 ans […] »</em>. Il s’agit de l’une des rares fois où celui-ci évoque ainsi son passé de résistant.</strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/Lettre-de-Gabriel-Le-Bras_23121953_F-17-27357_Archives-nationales_Dossiers-des-fonctionnaires-de-l-Instruction-publique-et-des-Beaux-Arts_3-scaled/1566220135.jpg)
Document numérisé consultable ici.
Dans cet échange avec l’administration, Gabriel Le Bras fait, au détour de quelques lignes, allusion à son passé de résistant : « les Allemands m’ont assez occupé pendant 4 ans […] ». Il s’agit de l’une des rares fois où celui-ci évoque ainsi son passé de résistant.

Gaston Lagarde, ancien résistant, écrit dans cette lettre à l’un de ses collègues nancéiens. Il y raconte avoir pu réchapper de justesse à son arrestation grâce « à la présence d’esprit de sa femme », la future magistrate Charlotte Béquignon-Lagarde. Il y explique par ailleurs qu’il est chargé de centraliser les signatures de la pétition mise en œuvre par des professeurs en soutien à Georges Ripert, alors arrêté et jugé devant la Haute Cour de Justice. Si l’on peut s’étonner qu’un ancien résistant plaide en faveur de la cause d’un ancien secrétaire d’état du régime de Vichy, ce document atteste davantage de la complexité des relations entre professeurs à la sortie de la guerre. Dans cette lettre est également évoqué le sort du professeur de Nancy Paul Durand – autre professeur de droit déporté, outre Léon Mazeaud.



S’agissant des professeurs de droit parisiens, l’engagement des frères Mazeaud dans la résistance est sans doute le plus documenté. Henri n’obtient son attestation d’appartenance aux Forces Françaises Combattantes (FFC) que le 1er juillet 1949, malgré son statut d’éminent professeur. Ce long délai témoigne de la difficulté qu’ont parfois les anciens résistants à faire reconnaître leurs services.

A leur libération des camps, les déportés font l’objet d’un interrogatoire par les forces alliées. Il leur est posé différentes questions : ont-ils intégré le parti nazi ? ont-ils, au contraire, participé à des actions antinazies ? où comptent-ils se rendre à leur libération ? Ces questions sont posées à Léon Mazeaud lors de sa libération. Il retrace alors l’ensemble de son parcours avec le détail de ses services militaires en 1939-1940 et son appartenance aux réseaux de résistance.


Léon Mazeaud fait lui aussi les démarches aux fins d’obtenir une attestation d’appartenance aux Forces françaises combattantes. Il reçoit son attestation en novembre 1948, soit peu de temps avant son frère Henri.