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Cinq professeurs victimes
Tous les professeurs juifs de la faculté de droit en fonction après juillet 1940 ont été frappés par la législation de Vichy interdisant aux juifs l’exercice de fonctions enseignantes. Parmi les 13 professeurs de droit juifs mis à la retraite d’office par la législation de Vichy dans toute la France, cinq enseignaient à la faculté de droit de Paris. Malgré des tentatives d’obtenir le relèvement de leur déchéance qui était prévu dans les deux lois du 3 octobre 1940 et du 2 juin 1941, ces professeurs ont dû cesser leurs enseignements et s’exiler ou se cacher pour échapper aux déportations. L’assemblée des professeurs de la faculté de droit de Paris et son doyen n’ont exprimé aucune protestation contre ces exclusions.
Sommaire
Albert Aftalion : recours infructueux, retrait et retour

Albert Aftalion (1874-1956) né en Bulgarie et naturalisé français en 1897, est une figure majeure de l’économie française de l’entre-deux-guerres. Après des études de droit et d’économie à l’Université de Paris, il est reçu à l’agrégation de sciences économiques et sociales en 1901. Il commence sa carrière académique comme chargé de cours à la faculté de droit de Lille en 1900, où il enseigne pendant 23 ans. En 1923, il rejoint la faculté de droit de Paris, où il occupe successivement la chaire de statistique jusqu’en 1934, puis celle d’économie politique. Ses travaux portent sur des thèmes majeurs tels que les crises économiques, la monnaie, les cycles économiques et les relations internationales. En octobre 1940, il est révoqué de ses fonctions en raison des lois anti-juives et se réfugie à Toulouse pendant quatre ans. Réintégré après la guerre, il prend sa retraite en 1946, laissant derrière lui une œuvre influente qui a marqué l’économie française et internationale.


Lors de l’assemblée de la faculté du 10 octobre 1940, la loi portant statut des juifs, pourtant non-encore publiée, produit ses premières conséquences sur le corps enseignant. Albert Aftalion est le seul professeur encore présent à être touché et est contraint de quitter l’assemblée, non sans émotions. Il n’y reviendra plus avant la Libération.



Dès juillet 1940, Albert Aftalion est touché par une première loi interdisant l’accès aux fonctions publiques aux fils d’étranger. Il formule une première demande d’exemption à ce titre ; la réponse ne sera jamais connue. Suite à l’entrée en vigueur de la loi portant statut des juifs, le Professeur Aftalion est touché par deux interdictions d’exercer. C’est à ce titre qu’il formule une nouvelle demande, cette fois aux fins de bénéficier de l’article 8 de la loi du 3 octobre 1940, qui permet aux juifs ayant rendu « des services exceptionnels à la France » de continuer à exercer leur profession.

C’est dans ce contexte qu’Albert Aftalion obtient le soutien de nombre de ses pairs, qui tentent de plaider pour que ce dernier puisse continuer à exercer son activité de professeur.

Le recteur de l’Académie de Paris, Jérôme Carcopino, rejette la demande d’Albert Alftalion, doublement interdit d’exercer ses fonctions.

L’arrêté portant mise à la retraite du professeur Aftalion ne sera publié que plusieurs mois après l’entrée en vigueur de la première loi portant statut des juifs. Celui-ci est rétroactif à compter de la date du 21 décembre 1940.

Malgré son éloignement contraint de la faculté, Albert Aftalion ne demeure pas moins attaché à cette dernière. Par cette lettre adressée au doyen Ripert, il s’émeut de l’opposition de ses collègues au remplacement de sa chaire d’économie. Exilé à Toulouse, il s’agit de la dernière trace qu’il laissera avant la fin de la guerre.

La libération de la France permet la réintégration d’Albert Aftalion ainsi que de ses collègues exclus au sein de la faculté. Albert Aftalion a pourtant, à l’automne 1944, atteint la limite d’âge pour exercer ses fonctions.

Juliot de la Morandière, nouveau doyen de la faculté de Paris, sollicite auprès du Ministre de l’Éducation nationale la prolongation des fonctions d’Albert Aftalion malgré son âge, en raison du préjudice subi durant la guerre, l’empêchant d’exercer son titre de professeur.
René Cassin : le juriste de la France libre

René Cassin (1887-1976) est une figure majeure du droit et des droits de l’homme. Avant la Seconde Guerre mondiale, il entame une carrière académique à Aix-en-Provence, obtenant un doctorat en droit en 1914 et devenant agrégé de droit en 1919. Il enseigne d’abord à la faculté de Lille, puis est nommé professeur à la faculté de droit de Paris en 1929. Blessé pendant la Première Guerre mondiale, il s’engage ensuite dans la défense des anciens combattants et milite pour la paix au sein de la Société des Nations. Dans les années 1930, il alerte sur les dangers du régime nazi. Refusant l’armistice de 1940, il rejoint le général de Gaulle à Londres, où il devient un pilier de la France Libre, contribuant à la rédaction des statuts de l’Ordre de la Libération. Après la guerre, il joue un rôle clé dans la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948 et est vice-président du Conseil d’État jusqu’en 1960. Lauréat du prix Nobel de la paix en 1968, son héritage reste indissociable de la promotion des droits humains.

René Cassin siège à la société des nations de 1924 à 1938. Il alerte très tôt sur les dangers du fascisme qui menace l’Europe, et plaide, par le droit international, en faveur de la paix. C’est dans ce contexte que René Cassin se livre à une analyse juridique du pacte de garantie mutuelle signé en 1925 entre la France et la Tchécoslovaquie, plaidant pour le maintien de sa force obligatoire.

René Cassin est fervemment opposé à la signature de l’armistice entre la France et l’Allemagne. Il n’attend que quelques jours avant de rejoindre le général de Gaulle à Londres, le 29 juin 1940. Il devient rapidement l’un de ses plus proches collaborateurs, jouant un rôle majeur dans l’élaboration du cadre juridique de la France libre. Son engagement précoce lui vaut d’être révoqué de ses fonctions par cet arrêté avant même l’entrée en vigueur de la loi portant statut des juifs.

Face à l’organisation de la Résistance autour du général de Gaulle, le régime de Vichy met en marche son appareil répressif. René Cassin, ainsi que nombre de figures majeures de la France libre, font l’objet de mandats d’arrêts émis par le Tribunal militaire permanent de Clermont-Ferrand. René Cassin fera l’objet d’une déchéance de nationalité quelques mois après l’émission du mandat, le 4 mai 1941.

Document numérisé consultable ici.
Dès l’été 1940, René Cassin œuvre en Angleterre à la légitimation par le droit de la France libre. Il est le principal architecte de l’accord conclu entre le général de Gaulle et Winston Churchill. Il s’agit du premier élément d’un long travail visant à contester la légitimité juridique du régime de Vichy et qui permet à la Résistance d’incarner la continuité républicaine de l’état Français, et non d’être vue comme une simple force dissidente.
![Source Bibliothèque interuniversitaire Cujas, ARCH-98-533
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<strong>Par <em>Un coup d’état […]</em>, René Cassin se livre à une analyse strictement juridique de la prise des pleins pouvoirs par le Maréchal Pétain. Se fondant sur plusieurs arguments, tels que l’inconstitutionnalité de l’abandon par le Parlement de la forme républicaine, on retrouve ici le premier texte contestant la légalité républicaine du régime de Vichy. Cette logique est utilisée jusqu’à la fin de la guerre et permet à la France de prendre part aux négociations de paix du côté des vainqueurs. René Cassin publie par la suite d’autres textes qui développent cet argumentaire. </strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/Rene_Cassin_Un-coup-d-Etat-La-soi-disant-constitution-de-Vichy_1940/1557392179.jpg)
Par Un coup d’état […], René Cassin se livre à une analyse strictement juridique de la prise des pleins pouvoirs par le Maréchal Pétain. Se fondant sur plusieurs arguments, tels que l’inconstitutionnalité de l’abandon par le Parlement de la forme républicaine, on retrouve ici le premier texte contestant la légalité républicaine du régime de Vichy. Cette logique est utilisée jusqu’à la fin de la guerre et permet à la France de prendre part aux négociations de paix du côté des vainqueurs. René Cassin publie par la suite d’autres textes qui développent cet argumentaire.

Exilé à Londres, René Cassin raconte, à l’occasion du premier anniversaire de l’appel du 18 juin 1940, le combat de la Résistance. Il détaille dans ce discours les actions militaires du général de Gaulle pour incarner l’État français, rend hommage à ceux tombés au combat, et expose les motivations de la France libre.

Document numérisé consultable ici.
Après la libération d’une partie de la France, l’ordonnance rédigée par René Cassin dès 1943, qui réinstaure la « légalité républicaine sur le territoire continental » est publiée. Cette dernière constitue le fondement légal de l’ensemble des actes juridiques adoptés suite à la fin de la guerre.

René Cassin est réintégré auprès de la faculté de droit de Paris le 4 octobre 1944. Il n’exerce pourtant plus en tant que professeur, étant appelé à d’autres fonctions.

En 1944, René Cassin est nommé vice-président du Conseil d’état. Il veille donc au respect de l’ordonnance rétablissant la légalité républicaine qu’il avait lui-même élaboré, témoignant de son éminence dans le cadre juridique de la libération. Il connaît par ailleurs une carrière prestigieuse : il participe notamment à la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948, et obtient en 1968 le prix Nobel de la paix.
Henri Lévy-Bruhl : défi à Vichy et clandestinité

Dans cet ouvrage, où Henri Lévy-Bruhl explore plusieurs aspects du très ancien droit romain, l’approche sociologique qu’il utilise est alors novatrice. Son objectif est d’apporter des réponses aux problématiques juridiques les plus anciennes. Après la guerre, il poursuit ses recherches et publie « Nouvelles études sur le très ancien droit romain » en 1947. Il fonde la même année l’Institut du droit romain à Paris, affirmant ainsi son engagement dans l’étude et la transmission du droit antique.

Dès 1933, Henry Levy-Bruhl a conscience de la dangerosité de la situation internationale. Il écrit ses inquiétudes au sujet de la situation internationale. Dans ce premier billet, il alerte sur les persécutions des Juifs dans l’Allemagne hitlérienne et espère une réaction ferme de la SDN contre celles-ci.

Suite au premier statut des Juif, H. Levy-Bruhl fait une première demande de maintien à titre exceptionnel pour pouvoir continuer à enseigner à la faculté de droit de Paris. En attendant la réponse, il est placé à la faculté de Lyon, en zone non-occupée.

Cette affectation à Lyon entraîne l’animosité de la presse antisémite.
![Source Archives nationales, AJ/16/1803
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<strong>Suite au second statut des Juifs, H. Levy-Bruhl refait une demande de maintien à titre exceptionnel. Il y indique sa qualité d’ancien combattant, la mobilisation de son fils en 1939, l’engagement de sa famille, française depuis de nombreuses générations, lors des précédentes guerres, les apports scientifiques de son père. Il conclut : « à vous de juger […] si j’ai assez travaillé et assez souffert pour mon pays, pour avoir le droit d’être traité comme tout autre Français ».</strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/03_03_01_Lettre-de-Levy-Bruhl-41a-scaled/338691562.jpg)
Suite au second statut des Juifs, H. Levy-Bruhl refait une demande de maintien à titre exceptionnel. Il y indique sa qualité d’ancien combattant, la mobilisation de son fils en 1939, l’engagement de sa famille, française depuis de nombreuses générations, lors des précédentes guerres, les apports scientifiques de son père. Il conclut : « à vous de juger […] si j’ai assez travaillé et assez souffert pour mon pays, pour avoir le droit d’être traité comme tout autre Français ».


Sa demande de maintien étant refusée, H. Levy-Bruhl est mis à la retraite en application du premier statut des Juifs. Cet arrêté est rétroactif.

H. Levy-Bruhl a fait une dernière demande de maintien à titre exceptionnel, cette fois en mettant en avant le fait que son fils est prisonnier de guerre, qui est un des critère de maintien mentionné dans le second statut des Juifs. C’est ce critère qui lui permet d’être maintenu dans sa fonction.

Bien qu’il ait obtenu sa réintégration, l’invasion par l’Allemagne nazie de la zone libre oblige H. Levy-Bruhl à passer dans la clandestinité jusqu’à la Libération. Sa famille et lui reçoivent entre autres l’aide de son ami Paul Ramadier, qui lui a suggéré de le rejoindre dans le Rouergue.

Dès que la zone dans laquelle il est caché est libérée par les forces Alliées, il se réengage et reprend une fonction de juge militaire.

A la fin de la guerre, H. Levy-Bruhl reprend sa place d’enseignant à la faculté de droit de Paris.
![Source Bibliothèque interuniversitaire Cujas, 45.859-553
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<strong>L'introduction de son premier cours de l'année 1944-1945 est d’abord un hommage au professeur Pierre Noailles, décédé en 1943. Cette introduction fait écho aux drames des années qui ont précédées, appelant son cours un « cours de guerre » en raison des circonstances qui lui ont donné des « moyens de travail […] nécessairement insuffisant » et « de l’absence d’un certain nombre d’étudiants, déportés, prisonniers, appelés à l’armée, auxquels vont vos pensées comme les [siennes] ».</strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/Henri_Levy-Bruhl_Cours-de-droit-romain_1944-1945_03/527146224.jpg)
L’introduction de son premier cours de l’année 1944-1945 est d’abord un hommage au professeur Pierre Noailles, décédé en 1943. Cette introduction fait écho aux drames des années qui ont précédées, appelant son cours un « cours de guerre » en raison des circonstances qui lui ont donné des « moyens de travail […] nécessairement insuffisant » et « de l’absence d’un certain nombre d’étudiants, déportés, prisonniers, appelés à l’armée, auxquels vont vos pensées comme les [siennes] ».
William Oualid : l’engagement pour la communauté

William Oualid (1880-1942). Juif d’Algérie, William Oualid est une figure engagée de l’économie et du droit social en France. Après une licence à l’École de droit d’Alger, il est profondément marqué par la crise anti-juive de 1898, ce qui le pousse à fonder en 1904 le Groupe d’études sociales pour lutter contre l’antisémitisme colonial. Il obtient sa licence en 1904 et soutient en 1906 une thèse d’économie politique sur le libéralisme économique en Angleterre à l’Université d’Aix-en-Provence. En 1912, il devient chargé de conférences à la faculté de droit de Paris, où ses travaux reflètent ses préoccupations sociales, comme en témoignent ses articles sur le syndicalisme, la législation sociale et le commerce extérieur. En 1920, il est nommé professeur d’économie politique à la faculté de droit de Strasbourg et dirige l’Institut statistique d’Alsace-Lorraine jusqu’en 1924. De retour à Paris en 1924, il enseigne à la faculté de droit, devenant un spécialiste reconnu de la législation industrielle et sociale. Révoqué de ses fonctions en 1940 en raison des lois anti-juives, il est affecté à l’Université de Montpellier, et se réfugie ensuite à Marseille. Il décède quelques jours après l’invasion de la zone sud par les Allemands en 1942. Réintégré à titre posthume après la Libération, il est cité à l’Ordre de la Nation en 1946 pour son engagement intellectuel et social.


Document numérisé consultable ici.
L’abrogation du décret Crémieux (1870), qui donnait la citoyenneté française aux Juifs d’Algérie, fait tomber W. Oualid, comme A. Aftalion, sous la loi du 17 juillet 1942 qui exclut les fils d’étrangers de la fonction publique. Il reçoit l’avis favorable du juge pour ne pas perdre sa citoyenneté au titre des « services rendus au pays ». Cet avis est rendu à Montpellier car W. Oualid, réfugié en zone libre, y avait (brièvement) été affecté à la faculté.

W. Oualid est cependant victime du statut des Juifs, et est mis à la retraite d’office par un arrêté, qui est rétroactif. Il fait une demande de dérogation au titre de l’article 8 de cette loi du 2 juin 1941.

Cette note montre que W. Oualid avait reçu l’avis favorable du Commissariat général aux questions juives à sa demande de dérogation. L’avis, transmis au Conseil d’État, ne fut pas suivi par celui-ci et il n’y eu donc pas de décret d’application.


Document numérisé consultable ici.
W. Oualid était investi dans plusieurs organisations communautaires dès avant la guerre (aide aux réfugiés juifs allemands, Consistoire central israélite de France). Après sa mise à la retraite, il s’engagea plus encore dans celles-ci et pris en particulier la tête de l’ORT France. Il fut très impliqué dans les débats autour de la création de l’UGIF. Ce document est l’un des témoignages retraçant la constitution de cette organisation voulue par Vichy.

Vichy souhaitait que les représentants des différentes associations juives participent au CA de l’UGIF. Après s’être réunis, ceux-ci décidèrent de refuser la proposition. La lettre de W. Oualid en est un exemple, insistant sur le refus ferme que l’UGIF soit considéré comme représentant l’ensemble des Juifs de France.
![Source Mémorial de la Shoah, Paris (France), CCXIII-31
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<strong>Suite à ce refus, Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, échange avec plusieurs membre du gouvernement de Vichy. W. Oualid est désigné comme porte-parole pour faire connaître les desiderata des représentants des associations juives auprès du régime. De légères modifications sont faites et Oualid accepte alors de siéger à l'UGIF à condition que l’organisation n’intervienne qu’« aux seules questions [d’]assistance ». Il n'y reste que quelques semaines.</strong>](https://expo-victimes-vichy-faculte-droit-paris.bibliothequecujas.fr/wp-content/uploads/cache/2025/04/Telegramme-dacceptation-de-Oualid-pour-participation-UGIF_04011942_Memorial-de-la-Shoah-CCXIII_31/3990348347.png)
Suite à ce refus, Xavier Vallat, commissaire général aux questions juives, échange avec plusieurs membre du gouvernement de Vichy. W. Oualid est désigné comme porte-parole pour faire connaître les desiderata des représentants des associations juives auprès du régime. De légères modifications sont faites et Oualid accepte alors de siéger à l’UGIF à condition que l’organisation n’intervienne qu’« aux seules questions [d’]assistance ». Il n’y reste que quelques semaines.

Document numérisé consultable ici.

Dans cette lettre envoyé au Temps, W. Oualid fait l’éloge de l’Institut d’urbanisme, dont il était le directeur avant la guerre. Il signe toujours en tant que tel, tout comme il a signé l’article précédent de son titre de professeur. Cela montre son attachement à la faculté et à ses fonctions d’enseignement. Cependant, au moment où cette lettre est publiée, le directeur par intérim de l’Institut devient directeur, marquant un écartement voulu définitif par les autorités.

Suite au décès de W. Oualid en 1942, le doyen G. Ripert prononce son hommage à la faculté de droit de Paris. Le discours passe sous silence l’absence de soutien de la faculté envers son professeur. Ripert utilisera ce discours, donné en pleine Occupation, pour se défendre face à la Haute Cours de Justice après la Libération.


Roger Picard : enseignement et engagement en exil

Roger Picard (1884-1950), se forme dans l’effervescence de la Troisième République et devient un spécialiste des questions sociales et ouvrières. Titulaire d’une thèse sur Les Cahiers de 1789 et les classes ouvrières (1910), il enseigne à la faculté de droit de Lille puis à Paris,. Picard est un ardent défenseur du socialisme proudhonien, prônant la liberté individuelle et s’opposant aux dérives totalitaires. Rédacteur en chef de la Revue d’histoire économique et sociale et auteur de nombreux ouvrages sur les salaires, le mouvement syndical et les assurances sociales, il plaide pour une économie au service de l’homme. Engagé politiquement, il est conseiller économique, directeur de cabinet de plusieurs ministres et membre du Conseil national économique. En 1941, fuyant le régime de Vichy, il s’exile aux États-Unis, où il enseigne à la New School for Social Research et œuvre à promouvoir la culture française.











Document numérisé consultable ici. A côté des conférences sur des sujets variées, Roger Picard profite de ses prises de parole pour défendre les principes de la liberté de la France depuis les États-Unis, comme dans cette conférence sur la démocratie française, qui fait l’objet d’une publication en français chez Brentano’s, éditeur américain, en 1944.

Document numérisé consultable ici. Autre exemple d’ouvrage publié par Roger Picard aux États-Unis en 1944, cette étude porte sur les doctrines économiques en France à la veille de la guerre. Elle illustre la manière dont Picard poursuit ses travaux de recherche et sa contribution au débat intellectuel français depuis New York, en parallèle à son enseignement universitaire.


Document numérisé consultable ici. Même après sa réintégration à la faculté de droit de Paris, Roger Picard ne retourne pas en France. Il sollicite des congés personnels à plusieurs reprises, pour raisons de santé, qu’il obtient, jusqu’à ce qu’un refus le conduise à demander sa retraite en 1948. Cet ouvrage, publié en 1945, témoigne de ses recherches continues, cette fois portant sur la transition de l’économie de guerre à l’économie de paix aux États-Unis pendant et après la guerre.
Roger Picard revient finalement en France juste avant sa mort en 1950.